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Monday, July 6, 2020

« On dirait l'étiquette d'un fromage de chèvre » : les nouveaux logos n'ont plus rien de propre à des clubs de football - Le Monde

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« On dirait l’étiquette d’un fromage de chèvre en bûche. » Sollicité pour cette chronique à propos du nouveau logo des Girondins de Bordeaux, présenté mardi 30 juin, un graphiste amateur de football n’a pas vraiment modéré son jugement, rejoignant celui des supporteurs du club.

Le football étant « la bagatelle la plus sérieuse du monde », selon le mot de l’ethnologue Christian Bromberger, on ne peut pas s’attendre à ce que le changement du logo d’un club soit considéré comme une vétille. La présentation de ces nouveaux logos est devenue un rituel, et tout aussi rituelles sont les réactions indignées des supporteurs.

On peut objecter que ces derniers, en gardiens des traditions, seraient hostiles à tout changement, alors que chaque club a connu plusieurs renouvellements de blason. La fréquence de ceux-ci va cependant en augmentant, et ils disent quelque chose du football contemporain.

Monogrammes épurés

Ecusson, blason, emblème… on peut hésiter sur le terme à employer pour désigner ce qui s’est d’ailleurs tardivement – dans le courant des années 80 – généralisé sur la poitrine des footballeurs. Celui de « logo » règle la question et nous fait quitter le lexique héraldique pour celui de la modernité commerciale.

Contrairement aux armoiries, le logo peut être changé à volonté. D’autant que, soumis aux tics du moment, il s’expose à être vite démodé – comme les effets de reflets d’il y a quelques années (rich design), ensuite abandonnés pour des aplats (flat design). Aujourd’hui, la vogue est aux monogrammes épurés.

Prenons les logos de la Juventus Turin (2017), du FC Nantes (2019) et du Stade de Reims (2020). Le premier, qui marquait une rupture audacieuse, de la part d’un grand club européen, a fait autant polémique qu’école : les deux autres s’en inspirent largement.

D’un point de vue graphique, ces productions sont brillantes. Le temps où l’on improvisait certaines horreurs des années 1980 ou 1990 est révolu. Voici du travail de pro, précis et équilibré, qui joue habilement de la typographie : élision du « de » pour Stade (de) Reims, présence en creux du « T » de Turin, etc.

Lire aussi Football : la Juventus et le logo de la discorde

Marques globales

L’ennui est qu’au-delà de leurs qualités esthétiques, ces logos n’ont plus rien de propre à des clubs de football. Ils pourraient être ceux de marques de vêtements, de produits de beauté ou d’accessoires de mode. C’est précisément ce qu’ils sont.

Aisément identifiables, ils doivent figurer sur toutes sortes de produits dérivés, et incarner les « stratégies de marque globale » du club entreprise. Les références locales tendent à disparaître. En 2013, les propriétaires qataris du PSG avaient marqué leur arrivée par un grossissement de « Paris » aux dépens de « Saint-Germain ».

Pas de retour de l’iconique bouteille de champagne pour Reims, mais un contour décalqué sur l’arc du portail de la cathédrale, nous dit-on. Plus de goélette ni de date de fondation pour Nantes. Plus de taureau ni de couronne pour la Juve : il faut s’adresser autant au fan chinois qu’au supporteur turinois.

Ces libertés sont du même ordre que celles prises avec les maillots, créations de prêt-à-porter fantaisistes et démodables. Les deux principaux symboles d’un club, loin d’être protégés par des exigences de permanence, subissent toutes sortes de manipulations génétiques.

Logomachie

Pour autant, les fabricants de logos (eux parlent de « programme d’identité », « territoire graphique », « architecture et plate-forme de marque » – selon les termes de l’agence de branding (« marque ») missionnée par le Stade de Reims) invoquent autant le passé que le présent, non sans contorsions.

Car la logomachie va de pair avec les logos : « Préserver l’ADN de la Principauté et l’histoire d’un club atypique à travers un logotype modernisé » (AS Monaco, 2013). « Ecrire le futur sur les bases du passé » (FC Nantes). « Blason iconique sur le fond et avant-gardiste sur la forme reprenant des codes historiques » (Stade de Reims).

La frénésie de changement n’est toutefois pas générale. Des institutions, comme le Bayern Munich, le Real Madrid ou Manchester United, n’ont procédé qu’à des retouches cosmétiques au cours des dernières décennies. Certains reviennent à la tradition, comme l’OGC Nice en 2013 ou le Toulouse FC en 2018 – après avoir consulté leurs supporteurs.

Les dirigeants bordelais ont imposé aux leurs un logo insignifiant, qui altère le nom du club (« Bordeaux Girondins » !) et éclaircit son bleu marine. Plongés dans une crise qui les a vus s’aliéner les ultras, les anciens joueurs et le nouveau maire de la ville, ils l’ont lancé comme une pierre dans leur propre jardin.

Lire aussi « C’est aux footballeurs qu’il revient de prouver qu’ils ne sont pas “des marchandises” »



July 06, 2020 at 05:14PM
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